Interview (extrait) Anna Niwińska

 

Interview (extrait)

 

Anna Niwińska: Comment a débuté votre aventure dans ce domaine artistique? Votre exceptionnelle carrière de soliste aurait pu suggérer que vous vous consacreriez à la formation de jeunes adeptes de l’art vocal. Vous êtes professeur de chant, bien sûr, mais surtout metteur en scène.

Maria Sartova: Cette décision n’a pas été facile pour moi. Je suis simplement revenue à mes premières amours, c’est-à-dire au théâtre dramatique. Ma maman adorait la musique, et dans mon enfance j’ai appris à jouer du piano au Conservatoire. C’était une voie qui s’ouvrait à moi naturellement. Ensuite, il est apparu que j’avais « une belle voix » et que je pouvais chanter, et je me suis sentie plus qu’heureuse de pourvoir associer mes deux plus grandes passions.

A un moment, j’ai pensé changer, ou plutôt modifier légèrement mon plan de carrière. J’ai eu l’immense chance de travailler à cette époque avec un remarquable metteur en scène, Bronislaw Horowicz, qui m’a révélé plusieurs règles sur ce que j’aurais à faire pour devenir metteur en scène.

J’ai commencé à tourner des films documentaires, tous en lien avec la musique , ce qui fut pour moi une expérience riche d’enseignements. J’ai alors déjà dû apprendre à m’organiser, à préparer un concept d’images et de sonorités. Pour le dire sincèrement, si je pouvais remonter le temps et de nouveau choisir mon métier, je pense que je voudrais commencer par m’occuper de mise en scène.

 

A.N.: Mais grâce à vos connaissances musicales, vous avez pu devenir metteure en scène dans un domaine particulier. Vos réalisations d’opéra ne sont pas identiques à des mises en scène de théâtre dramatique. Votre formation musicale et votre carrière professionnelle ont-elles facilité de façon significative votre travail sur des spectacles musicaux?

M.S.: Évidemment. Cela m’a énormement facilité les choses. J’avais tout d’abord conscience de l’énorme quantité de travail et des difficultés qui attendent les solistes. Mais je sais aussi que plus le jeu d’acteur est exigeant, plus il leur est facile de chanter. Cela peut sembler illogique, mais c’est ainsi. La liberté que l’on obtient en incarnant un rôle se reflète dans le chant.

 

A.N.: Pourquoi avoir choisi l’opérette? Quel est votre rapport à ce genre musical? Dans le milieu musical, l’opérette passe souvent pour un « parent pauvre » de l’opéra, bref, un genre mineur qui n’est pas beaucoup considéré…

M.S.: A priori, je n’ai jamais fait la différence entre, ce qu’on appelle « les bonnes pièces », ou de « moins bonnes » ou carrément « mauvaises », car il me semble que l’essentiel se trouve dans l’exécution, dans l’interprétation et la réalisation qui, elles, peuvent être bonnes ou mauvaises, mais pas l’œuvre en tant que telle. Personnellement, j’apprécie au plus haut point Offenbach et l’opérette française qui me parlent très fortement.

A la différence de l’opérette viennoise, très populaire en Pologne, sentimentale et bien artificiellement gonflée, l’opérette française possède une grande dose d’humour et d’abstraction. Cette abstraction lui donne une actualité exceptionnelle, ce qui la rend pour nous contemporaine voire intemporelle.

Aujourd’hui, on n’aime pas le sentimentalisme, on le fuit, et c’est pour cela qu’il me semble que l’opérette française est au sommet !

 

A.N.: Et « Orphée » par rapport à tout cela?

M.S.: C’est plutôt un défi ! C’est avec « Orphée » précisément que j’ai fait mes débuts. J’ai joué Eurydice à l’Opéra de Wroclaw, et j’avais détesté cette œuvre ! A l’époque, en Pologne, la mode était à la manière allemande, différente de l’original français. C’est n’est que plus tard, en France que j’ai découvert un « Orphée » qui m’a totalement ravie.

C’était drôle, extraordinairement actuel, avec des des motifs sociaux, érotiques, politiques et philosophiques. Cela parlait de nous, de l’hypocrisie qui nous entoure.

Si l’on prend en considération l’année de l’écriture d’« Orphée aux enfers » , on ne peut que remarquer son expression novatrice, très courageuse et incroyablement contemporaine pour l’époque. J’ai essayé d’extraire le plus de choses possibles de l’original de Halévy et Crémieux.

Je me suis permis d’intervenir un peu dans le vocabulaire original pour le rendre plus proche et plus familier de celui d’un spectateur d’aujourd’hui, mais pas tant que ça, car le texte est déjà très contemporain.

 

Voir aussi:

Orphée aux enfers Jacques Offenbach
Orphée aux enfers – extraits des critiques
Interview (extrait) Gabriela Pewińska
Orphée aux enfers – photos